L’épineux problème juridique de la rémunération des modèles photo.

Je ne suis pas juriste ni avocat. J’ai fait de mon mieux pour chercher des informations en croisant des sources (légales et professionnelles). Comme je tiens sincèrement ces informations pour vrai, ce sont elles qui me poussent à refuser les conditions de certains modèles qui demandent à être rémunérés au black. J’ai néanmoins trouvé une solution qui est légale. Je ne les exposerai pas ici, mais je vous l’expliquerai si vous posez pour moi.


On peut aisément comprendre que les modèles souhaitent être payés pour leur temps de pose et plus particulièrement quand il s’agit de nu. Mais la rémunération des modèles est souvent le point le plus délicat dans le rapport entre le photographe et le modèle. Chacun estimant que l’autre peut le faire gratuitement en échange des clichés (et de leurs retombées potentiels) ou par passion. Le vrai fond du problème est le manque de moyens d’un côté comme de l’autre. C’est elle qui pousse à vouloir s’en tirer à moindre coût.


On comprend d’autant plus les demandes de rémunération des modèles que cela est souvent mis en avant aussi bien dans des articles de magazines ou de blog que par les photographes eux-même comme un moyen de se faire de « l’argent facile ». Or, ce n’est pas toujours si facile que certains le disent (tenir la pose longtemps peut être fatigant, les conditions ne sont pas toujours agréables). De plus, accepter de l’argent vous oblige à fournir une prestation de qualité (variété des poses, état du corps, honorer le contrat que vous avez accepté, etc.). Refuser de faire ce sur quoi vous vous êtes entendus à l’avance avec un photographe peut vous exposer à devoir rembourser l’intégralité des frais dépensés pour la séance.

Comprenez-moi bien, vous avez le droit de changer d’avis, mais si vous acceptez de poser pour une séance à l’autre bout de la terre et que finalement vous ne le voulez plus il est logique que les billets d’avion, les hébergements et tous les autres frais vous soient refacturés si aucune solution n’a pu être trouvée.
Pour en revenir à nos moutons, je parle d’épineux problème pour la rémunération des modèles, car il n’y a qu’un seul moyen pour rester dans le cadre légal : être un modèle en agence.

Évidemment, les agences n’acceptent pas tout le monde, c’est même plutôt le contraire. Il existe peut-être quelques agences qui proposent des profils plus atypiques (modèle grande taille, tatoué…) mais elles sont plus rares et le travail est lui aussi plus rare. Bref, le choix de travailler en agence ne vous appartient pas, ce sont les agences qui vous choisissent.

Quelles solutions en dehors de ce cadre ?

Et bien malheureusement aucune solution concernant la rémunération des modèles ne respecte complètement la loi.
Pour respecter la loi, il faut qu’il y ait un contrat qui ne sera possible que si vous êtes en agence.
Certains photographes pensent que le CDD d’usage en vous qualifiant d’intervenant spécialisé est une manière légale de contourner ce problème malheureusement, il semble que ce CDD soit exclusivement réservé à la production de contenu vidéo. De toute façon, c’est souvent là que le problème arrive, car les modèles n’ont pas de statuts ni d’existence juridique.


De plus, pour vous payer la société, peut vous demander une facture, or, vous ne pouvez pas émettre de facture en tant que mannequin photo ou modèle photo, car le statut de freelance n’existe pas pour ces métiers. Pourquoi ? Tout simplement pour éviter la prostitution et le travail dissimulé. C’est aussi pour cette raison que le statut d’autoentrepreneur, n’existe pas pour cette catégorie.

Vous pouvez mentir sur la nature de votre microentreprise ou de votre statut de free-lance, mais ne nous trompons pas… Nous publions les photos, elles sont donc faciles à trouver pour les services du fisc et sont en général signées ou hébergées sur des sites personnels (on ne parlera même pas des réseaux sociaux à vos noms que le fisc exploite déjà régulièrement dans ses enquêtes.). Bref, vous seriez dans l’illégalité et compter sur votre chance peut se retourner contre vous (et je vous laisse imaginer la réputation qui vous sera faite si à chaque fois que vous posez pour un photographe, il prend un contrôle fiscal).
De manière exceptionnelle, il est possible d’obtenir une rémunération pour votre droit à l’image de manière tout à fait légale. La question est combien de fois pouvez-vous le faire avant que cela ne soit plus considéré comme exceptionnel. Je n’ai pas trouvé de réponse précise officielle à cette question.

On peut faire des parallèles avec les autres cas où l’état accepte qu’un particulier touche des sommes d’argent en dehors de son activité professionnelle. Je pense notamment au cas de la vente d’objet lors des brocantes / vide-greniers etc. L’état vous limite à 2 fois par an et la somme ne doit pas dépasser 5 000 €.

D’autre part, dans le cas de revente d’objets en ligne, les plateformes informeront les services fiscaux dès lors que le montant des recettes dépassent 3 000 € et/ou 20 transactions par an. Les limites se situeraient donc entre 2 et 20 fois par an et à partir de 3 000 ou 5 000 € par an. Donc, on reste dans le flou, mais il n’y a pas de quoi vraiment gagner sa vie avec donc… Ceci dit, cela permet quand même d’arrondir ses fins de mois ou de se faire un peu plaisir.

Le seul moyen d’être tranquille est de déclarer la moindre rentrer d’argent. Sous un certain seuil, elles ne seront peut-être pas imposables ou ne changeront pas grand-chose à vos impôts. A contrario jouer au malin peut vous coûter très cher même pour une petite somme.
Enfin, la rémunération des modèles de la main à la main est du travail au noir. Nous savons tous que cela est illégal et que le modèle comme le photographe seront punis par la loi. Sachez qu’il est très facile dans ce cas pour l’administration fiscale de le trouver et de le prouver. De plus, une fois que celle-ci vous a repéré, le FISC vous contrôlera régulièrement par la suite.

Le point du vu d’un photographe

Comme je l’ai dit plus haut, je comprends très bien la volonté de se faire payer. Nous autres, photographes (comme beaucoup d’artistes-peintres/illustrateurs, musiciens, vidéastes), faisons aussi souvent face à cette problématique. Car oui, on me démarche souvent en me disant que je devrais accepter de shooter gratuitement par passion. Ah! l’amour de l’art…
Il faut quand même rappeler à ces personnes qu’un photographe ne vend que 43 % de son temps de travail. Je ne vous parlerai même pas des coûts des consommables, de la prise en compte de l’obsolescence des équipements. En effet, en général, vous ne payez pas le temps de préproduction. Les photographes bradent souvent le temps de postproduction pour pouvoir rester dans des tarifs abordables par le plus grand nombre.

Malgré tout cela, je l’accepte volontiers de la part avec des amateurs uniquement s’il y a de la réciprocité : une séance pour le modèle, une séance pour moi… Chacun prend les frais de sa séance à sa charge et s’engage à dédommager l’autre financièrement s’il ne tenait pas parole …. J’ajoute systématiquement cette clause, car j’ai déjà eu assez de modèles qui ne jouaient pas le jeu. J’arrête ici cette digression pour vous expliquer le point de vue d’un photographe et reviens à notre sujet principal : la rémunération des modèles photo.

Défraiement et tarif

Les agences définissent précisément les tarifs des mannequins en fonction de la notoriété de celui-ci, du job, de sa longueur et de sa diffusion (dans le temps et dans l’espace). Soyons clair, les tarifs sont tout simplement prohibitifs pour un photographe. Seul des sociétés ont les moyens de se payer ce genre de prestations. Alors, il arrive souvent, avec l’accord du modèle, qu’un photographe prenne des photos artistiques à la fin de la séance. En général le temps le mannequin accepte de se prêter à cet exercice gratuitement parce que cela étoffe son book. Cela crée aussi une bonne relation avec les photographes qui pourraient la recommander pour un prochain job. Et puis l’annonceur la rémunère déjà.

Quelques constatations concernant la rémunération des modèles photo hors agence.


Avant tout, il faut rappeler que les prix dans notre domaine sont fixés de manière personnelle. Ce n’est pas l’état ou un syndicat qui impose un tarif minimum ou une grille salariale. Ils peuvent être fonction du job (nu, lingerie), de la longueur de la prestation, de la notoriété du mannequin. Son expérience ou certaines aptitudes spéciales peuvent aussi jouer… La loi de l’offre (vous estimez à combien vous êtes prêt à faire le job) et de la demande s’applique avec des négociations.


Pour les modèles de nu avec expérience et au sommet de leur beauté, je constate des tarifs de 20 à 50 € de l’heure. Ces tarifs peuvent sembler élevés comparés au SMIC horaire (9,12 € net). Les modèles vivants (modèles pour les peintres et sculpteur) proposent généralement des tarifs beaucoup plus intéressants. Entre 14 et 30 € de l’heure avec une moyenne autour de 15 € de l’heure. Elles ont un stock de poses académiques impressionnant, une belle habitude à improviser des poses. Celles-ci ont aussi une vraie habitude à maintenir longtemps la pose.


On peut trouver moins cher comme beaucoup plus cher. Parfois même avec des conditions clairement abusives (demande de rémunération sans autorisation de publication de photos). Il faut néanmoins se méfier de ces tarifs qui ont tendance à facilement s’envoler. Certains photographes peu scrupuleux n’hésitent pas à faire monter les tarifs pour s’assurer qu’un modèle travaille pour eux. Ils lui demandent ensuite d’annuler un engagement déjà pris ailleurs… C’est à cause de cela que les modèles en viennent à faire gonfler artificiellement leur tarif… Pendant ce temps, leur réputation de fiabilité décroît et que le nombre d’opportunité de travailler suit le même chemin.


La rémunération entraîne une prestation professionnelle irréprochable.

Il y a des modes de fonctionnement dans notre domaine. Si vous souhaitez une rémunération, vous n’aurez ni les clichés ni votre mot à dire avant diffusion. Au mieux, vous aurez une fois de temps en temps une copie du produit fini après la première diffusion. C’est ainsi que fonctionne le milieu professionnel. C’est justement là que la collaboration représente un gros avantage puisque la plupart des faits décrits ci-dessous ne s’appliquent pas.


La rémunération fait de vous un professionnel dont on attend une prestation irréprochable et parfaite. Le modèle valide en général le projet et sa diffusion en amont. Donc, vous acceptez la prestation et les conditions. Si vous n’aimez pas la photo, c’est dommage pour vous, mais vous n’y pouvez rien. Tant que cela reste dans le cadre du contrat, vous ne pouvez rien changer à moins de faire jouer votre droit à l’image. Cela engendrera un remboursement de la somme perçue. Ce à quoi il faut évidemment rajouter les frais engagés pour la séance (matériel, location, accessoires, maquilleurs, etc. …). Enfin, il vous demandera peut-être de le dédommager du temps passé sur les clichés.


La lecture de cet article peut contrarier certains modèles, car tout ce que je dis ici ne les arrange pas. Être désagréable ou donner une mauvaise image de moi n’est clairement pas mon but. Et tout ce que je dis ici est valable pour les modèles comme pour les photographes. Les photographes ou modèles plantés plusieurs fois alors qu’ils avaient investi de l’argent et du temps comprendront ces mises au point.